Francoise Lerusse
Photographie
Le plein de vide
Durant quatre ans (de 2018 à 2022) j’ai parcouru la Castille-Leon, immense plaine agricole peu habitée, en m’arrêtant régulièrement dans les stations-service. Il faut sortir de l’autoroute pour y accéder et rouler quelques instants sur une route secondaire. La station se présente, le plus souvent isolée sur une hauteur, sorte de no man’s land où il ne se passe rien, hormis les arrivées et les départs successifs des voitures et de leurs conducteurs.
Ces espaces quasi déserts dont les limites se fondent avec le paysage sont ce que l’on appelle des non-lieux, un concept développé par l’anthropologue Marc Augé et qui désigne ces plateformes purement fonctionnelles et anonymes comme les aéroports, les parkings ou les supermarchés, où les gens ne font que passer et où ils se croisent sans communiquer. L’on y éprouve souvent un sentiment de vide et d’absence de sens.
On entre alors dans une autre dimension. le temps ralentit, l’espace se vide. L’ esprit se vide, lui aussi, dans une sorte d’immobilité contemplative. C’est ce pur état de méditation que j’ai photographié, en privilégiant les moments où il n’y avait personne.
Une archéologie du futur
Parallèlement à cette expérience phénoménologique et photographique, la série contient une dimension anthropologique et quasi fictionnelle. Elle nous téléporte dans un temps « d’après « où pompes, portiques et panneaux seraient devenus les totems d’une civilisation disparue, celle de notre monde carboné.